Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Secteur 1DU - Out of Parano
19 février 2007

Fausto Romitelli, Paolo Pachini - An Index of Metals (CYP5622)

romitelli2An Index of Metals n'est pas de ces oeuvres qui laissent indifférent ; à l'opposé, le vidéo-opéra-testament de Fausto Romitelli, mort d'un cancer quelques semaines après l'avoir achevé, est de celles que l'on rejette viscéralement ou que l'on tient pour un chef-d'oeuvre au sens le plus strict du terme. Car ce n'est pas non plus une oeuvre facile d'accès, si tant est qu'on fasse preuve d'une ouverture d'esprit confinant au laxisme ; rien n'est épargné, aucun répit n'est accordé au malheureux spectateur acculé quarante-neuf minutes de long dans son fauteuil, sons discordants, crissements, vrombissements, contorsions contre-nature de la voix désincarnée de la soprano Donatienne Michel-Dansac... et s'il ne s'agissait que de cela ! An Index of Metals tend ouvertement à désorienter ses victimes : là où l'auditeur lambda cherche à caler son oreille dans un schéma, un motif, pattern musical, cet opéra ne fait qu'en ébaucher des esquisses avant de les détruire jouissivement, nous perdant par la même occasion. C'est l'un des aspects de l'expérience sensorielle qu'est cette oeuvre : elle demande une attention continue et soutenue et met à l'épreuve nos nerfs, entre scènes chantées, passages minimalistes et barouf digne d'un groupe d'enfants de trois ans à qui on aurait confié les rênes de l'orchestre. Néanmoins, le chaos apparent n'est qu'illusion, car derrière se cache une très solide connaissance de la musique. Rien d'étonnant, donc, lorsque l'on apprend que Fausto Romitelli a fait un passage de plusieurs années à l'IRCAM. Malgré le fait que l'on ne puisse classer An Index of Metals ailleurs qu'en musique expérimentale (musique classique ? Rien de classique dans tout ça ! Et le mélange avec le rock progressif, comme les inclusions de guitare électrique ? Pour ce qu'il en fait...) la filiation avec les intentions traditionnelles de l'opéra existe, même énormément modernisée. Il s'agit en effet d'une tentative d'art total, mais en d'autres termes que celle de l'assemblage de la musique, du chant, de l'histoire, des costumes et décors : tout d'abord en termes d'expérience sensorielle, telle une mesure de l'effet physique du son, et d'immersion, la vidéoprojection hypnotique de Paolo Pachini étant loin d'être anecdotique, accumulant visions abstraites de métaux, murs de gratte-ciel et on ne sait trop quoi d'autre, et partie prenante de l'oeuvre qui s'apprécie difficilement dans sa globalité sans cela. Ensuite, art total car An Index of Metals se veut être une brillante réflexion sur la matière et le son, l'effet du son sur la matière ; ou comment le son devient matière, et les textes de Kenka Lenkovich, intelligemment inspirés du tableau Drowning Girl de Roy Liechtenstein où une femme blonde se laisse couler dans une soupe de miso métallique, deviennent matière littéraire modelée par la soprano. Brillant, extrêmement brillant ! pensera le public, ou du moins la part qui n'a pas quitté la salle au bout d'un quart d'heure de souffrance auditive. A noter la collaboration de Pan Sonic sous la forme de quelques samples électroniques. Définitivement une oeuvre majeure, une des plus ambitieuses qu'il m'ait été donné de voir, d'entendre et de ressentir, et parvenant bien au-delà - presque exponentiellement, serais-je tentée de dire ! - de la simple addition de la maîtrise de la musique classique, des instruments du rock progressif et d'un goût très sûr pour l'expérimentation.

Publicité
Publicité
Commentaires
R
Très bonne critique pour une oeuvre qui est déjà loin de me laisser indifférent...
Secteur 1DU - Out of Parano
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Publicité